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algerienews
6 mai 2008

kabylie

Les derniers événements qui ont touché la Kabylie ont marqué un tournant décisif dans l’histoire politique de l’Algérie. Quarante ans après le recouvrement de l’indépendance nationale, le Pouvoir central n’a pas hésité à utiliser des armes de guerre contre la jeunesse kabyle pour avoir simplement revendiqué le respect de sa dignité et de son identité berbère.

Cela fait plus d’un demi-siècle que la Kabylie fait appel à la conscience de tous les Algériens pour renouer avec leur identité véritable et pour lancer les jalons d’un Etat moderne, démocratique incarnant l’Algérie algérienne. Le Printemps berbère de 80 qui s’est inscrit en droite ligne des idéaux des premiers nationalistes kabyles, a formulé de façon généreuse une alternative au pouvoir central qui a confisqué aux algériens leur indépendance et falsifié leur histoire.

Aujourd’hui, en faisant le bilan de toutes les luttes qui ont été menées par la Kabylie, il ressort une constante : Les Kabyles ont plus apporté aux autres qu’à eux-mêmes sans pour autant se défaire de la représentation qui leur est toujours collée : Une menace permanente contre l’unité nationale. En effet, ni leur engagement dans le Mouvement National, ni leurs sacrifices dans la guerre de Libération Nationale et encore moins leur combat pour les libertés démocratiques ne leur ont permis d’assurer la reconnaissance de leur identité et de leurs valeurs.

L’ouverture politique, qui a suivi les événements d’Octobre 88, au lieu de marquer une rupture avec le régime totalitaire, a favorisé l’émergence d’un mouvement politique fascisant dont l’objectif n’est rien d’autre que la mort de l’Algérie moderne. Prise en otage entre deux courants totalitaires, l’un incarné par le pouvoir et l’autre par les islamistes, la Kabylie, par la voie de ses représentants politiques, s’est engagée dans des luttes intestines qui ont fait voler en éclat son unité et sa force.

La marche du 14 juin 2001 organisée par les Archs de la Kabylie a montré que pour peu que les Kabyles renouent avec leurs valeurs de solidarité et d’unité, ils sont capables de peser lourdement sur le cours de l’histoire. Sans complexe, ils peuvent prendre leur destin en main et s’engager dans leur éternelle conquête pour la liberté.

Pour un Nouveau Contrat d’Unité Nationale

Contrairement à ce que laissent croire certains, les derniers événements qui ont touché la Kabylie ne sont pas le résultat d’une explosion sociale spontanée. Ils sont la résultante de tous les combats de la Kabylie en faveur de son identité et de ses valeurs ancestrales. Notre jeunesse, parce qu’elle a ressenti plus profondément que toutes autres franges de la société l’impasse dans laquelle s’est retrouvée la Kabylie, a fait sauter les verrous de la peur et dépassé l’immobilisme dans lequel s’est confinée son élite politique.

Mais au lieu de sombrer dans les schémas réducteurs et cultiver le sentiment de rejet du politique - savamment entretenu par le pouvoir -, il importe de dresser un bilan critique de toutes les luttes qui ont été menées jusque-là.

Les forces politiques kabyles ont le mérite d’avoir essayé de projeter l’Algérie indépendante dans un véritable système démocratique et social tel que défini par le Congrès de la Soumam. Mais leur volonté de s’inscrire dans une dimension nationale, en mettant parfois en veilleuse les revendications de leur base sociologique, a aujourd’hui montré ses limites. Au-delà des questions liées à la démocratie politique, un problème de fond refait toujours surface : la question identitaire.

L’échec de la vision moderne de l’identité

Dés le début du mouvement de libération nationale, une ligne de fracture s’est dessinée entre les nationalistes kabyles partisans de l’Algérie algérienne et les nationalistes arabophones partisans de l’Algérie Arabo-islamique. La crise bérbériste de 1949, au sein du PPA-MTLD, qui s’est soldé par une crise ouverte et l’assassinat de certains nationalistes kabyles, va irrémédiablement imprégner le socle idéologique de l’Etat algérien. L’isolement des partisans de la thèse de l’Algérie algérienne, après le coup de force opéré par l’armée des frontières en lendemain de l’indépendance nationale, en faveur des partisans de l’Algérie Arabo-islamique va ouvrir la valse de l’Etat algérien entre une conception religieuse de l’Etat, représentée par la Oumma Islamique, et une conception panarabiste représentée par la Oumma El Ârabia.

L’Algérie qui a arraché son indépendance par une lutte ayant grandement contribué à l’autodétermination des peuples colonisés et à la libération de l’homme s’est laissée perdre, en perdant sa personnalité, dans le mythe d’une Nation arabe. La politique d’arabisation est d’abord et avant tout une volonté de supprimer ce qui est considéré comme une tare : La survivance d’une réalité culturelle et linguistique d’un peuple plusieurs fois millénaire.

L’Etat algérien, au lieu de puiser dans les ressources de l’histoire de son peuple, s’est mis à quémander auprès des monarchies arabes un certificat de filiation qui lui permettra de se dissoudre dans un monde où l’homme demeure jusqu’à ce jour un sujet.

La Kabylie, pour des raisons liées à son histoire spécifique, a de tout temps essayé de replacer L’Algérie dans sa véritable trajectoire historique. Son combat pour l’émergence d’une nation algérienne moderne et forte s’est malheureusement heurté à une aliénation culturelle dont les effets ont touché même les masses. Ce qui était, hier, le projet d’une association religieuse est devenu aujourd’hui, par l’acculturation d’une école fondamentaliste, un projet de l’écrasante majorité des arabophones.

Les différents scrutins électoraux, organisés après les événements d’Octobre 1988, sont là pour montrer la rupture idéologique qui existe entre la Kabylie et le reste du pays. Quand on va jusqu’à dire qu’il y deux projets de société en Algérie, il faut avoir l’honnêteté d’identifier les bases sociologiques qui portent ces deux projets.

Le particularisme kabyle

La Kabylie a été de tout temps libre ou en lutte pour sa liberté. Jamais un pouvoir central n’a réussi à brimer sa nature réfractaire à la soumission. Même l’Emir Abdelkader, parce qu’il a voulu s’imposer en tant que seule autorité du pays, n’a pas réussi à fédérer autour de lui les tribus kabyles alors qu’elles étaient déjà entrées en guerre contre le colonialisme français. Adrar n nnif est un héritage historique mémorial d’un peuple qui a choisi la rude vie des montagnes pour ne pas perdre sa liberté et sa culture. La sédentarisation des kabyles sur de hautes collines est un choix de résistance qui s’est transmis de génération en génération. Le soulèvement simultané de toutes les régions de la Kabylie lors des derniers événements trouve sa réponse dans la conscience collective d’affirmation d’un Peuple à lutter pour la pérennité de son existence devant le paroxysme de l’agression.

Face aux multiples attaques coloniales, les Kabyles, contrairement au reste des algériens qui ont trouvé refuge dans une identité religieuse, se sont accrochés à leur identité première. Taqbaylit, ensemble de valeurs éthiques, a permis de répondre à des mutations qui sont devenues nécessaires pour le maintien de la société kabyle. Grâce aux apports de l’émigration et de l’école, un ressourcement nouveau s’est opéré dans la pensée kabyle sans que celle-ci ne perde sans âme. L’ouverture aux valeurs universelles a permis une forte conscientisation dont le premier effet est le rôle avant-gardiste joué par les Kabyles dans le Mouvement de libération nationale.

La démocratie kabyle, incarnée par tajmaât, bien qu’elle n’ait pas donné lieu à une formulation théorique, a permis aux kabyles de se donner un modèle d’organisation sociale où la gestion des affaires publiques était du ressort du génie de l’homme et non d’une vision théocratique où tout était établi d’avance. Ceci explique pourquoi la désacralisation du pouvoir est restée l’une des caractéristiques fondamentales de la culture kabyle.

La Kabylie n’est pas seulement une singularité en Algérie mais dans tout l’univers musulman. En raison du fait qu’elle n’a été que très peu influencée par la pensée arabo-islamique (qui est restée figée dans le dogmatisme religieux ), la société kabyle a développé un rapport particulier avec l’Islam. En Kabylie, la religion est naturellement un acte de foi et de spiritualité. L’utilisation par le pouvoir de l’Islam dans sa politique d’arabisation a éveillé la conscience des kabyles sur les dangers de la manipulation de la religion à des fins politiques.

Ce n’est pas par hasard, qu’au moment même où des mouvements se réclamant du courant progressiste continuaient à faire l’apologie de l’arabo-islamisme, il n’y a eu que les militants du mouvement culturel berbère à défendre la sécularisation de l’Etat.

Le problème que pose la Kabylie avant qu’il ne soit d’ordre politique est d’abord civilisationnel. Sans une rupture radicale dans la pensée arabo-islamique- qui est loin d’être à l’ordre du jour - il est illusoire de croire qu’en réglant la question du pouvoir en Algérie, les revendications de la Kabylie trouveront leur solution.

La Kabylie a fait son choix pour un projet de société démocratique et moderne. L’ouverture aux valeurs universelles répond d’abord à une volonté de préserver et de consolider une culture. Dans un contexte de mondialisation effrénée, la survie d’une culture dépendra de la capacité des peuples à maîtriser les instruments modernes de l’expression de la liberté de l’homme. La citoyenneté est un acquis historique de l’humanité entière et non de la civilisation occidentale comme voudrait le laisser penser les pouvoirs qui sont restés arc-boutés sur le diktat de leurs sociétés.

Le nouveau contrat d’unité nationale

Devant la faillite généralisée de l’Etat algérien dans sa construction nationale, une autre voie doit être recherchée. Aujourd’hui plus que jamais est venu le moment de faire le bilan du contrat scellé par les six wilaya historiques au cours de congrès de la Soumam. La Kabylie qui est la seule région à être restée fidèle à l’esprit de ce contrat, est en droit de reprendre son autonomie pour engager de nouvelles négociations. La représentation parlementaire dans laquelle elle est confinée aujourd’hui est une insulte à la mémoire de ses martyrs et à son combat.

Dans le nouveau contrat d’unité nationale que nous proposons, chaque région qui le souhaite aura le droit d’affirmer son identité spécifique et de développer le projet auquel elle aspire. Pour en finir avec le régionalisme souterrain qui mine le fonctionnement des institutions de l’Etat, une approche transparente permettra à chaque région de défendre ses intérêts dans le respect des intérêts communs de toute la Nation algérienne. L’adhésion volontaire des régions à une construction nationale est la seule garante de la cohésion nationale.

Le cadre constitutionnel doit traduire l’esprit de ce contrat. Les fondements de l’autonomie de la Kabylie que nous proposons s’inscrivent dans cette voie.

CONCLUSION

Parce qu’on ne peut pas régler des problèmes d’identité par le biais d’élections, parce qu’on n’a pas le droit de pousser notre jeunesse à l’aventure, parce que chaque peuple est en droit de vivre en harmonie avec ses valeurs et pour le développement de sa culture, le projet d’autonomie de la Kabylie peut donner une véritable alternative démocratique aux Kabyles.

Parce que la solution pour toute l’Algérie est dans l’autonomie de ses régions, voici une proposition de credo :

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